Le maître de l'animation, un dieu vivant sur Terre. Ce personnage est juste un génie qui sait nous faire rêver.
Ayant moi-même réaliser un dossier sur Miyazaki sur un autre forum, j'en profite pour poster les éléments principaux de mon travail, histoire de compléter ce topic.
Filmographie.Longs métrages :
-1979 : Le Château de Cagliostro
-1984 : Nausicaä de la vallée du vent
-1986 : Le Château dans le ciel
-1988 : Mon voisin Totoro
-1989 : Kiki la petite sorcière
-1992 : Porco Rosso
-1997 : Princesse Mononoké
-2001 : Le Voyage de Chihiro
-2004 : Le Château ambulant
-2008 : Ponyo sur la falaise
Courts métrages :
-1995 : On Your Mark (
-2003 : Mei et le Chatonbus
-2006 : Le jour où j'ai cultivé une étoile
-2006 : Monomon l'araignée d'eau
Télévision :
-1978 : Conan, le fils du futur
-1980: Lupin III (2 episodes)
-1984: Sherlock Holmes (6 episodes)
Scénariste :
-1979 : Le Château de Cagliostro
-1984 : Nausicaä de la vallée du vent
-1986 : Le Château dans le ciel
-1988 : Mon voisin Totoro
-1989 : Kiki la petite sorcière
-1992 : Porco Rosso
-1995 : Si tu tends l'oreille de Yoshifumi Kondō
-1997 : Princesse Mononoké
-2001 : Le Voyage de Chihiro
-2004 : Le Château ambulant
-2008 : Ponyo sur la falaise
-2010 : Arrietty, le petit monde des chapardeurs de Hiromasa Yonebayashi
-2011 : La Colline aux coquelicots de Gorō Miyazaki
Producteur :
-1994 : Pompoko d'Isao Takahata
-2002 : Le Royaume des chats d’Hiroyuki Morita
Livres :
-1969-1970 : Le Peuple du désert
-1983 : Le Voyage de Shuna
-1982-1992 : Nausicaä de la vallée du vent
-1989 : L'Âge des hydravions
-1992 : Miyazaki Hayao no zassō nōto
-1999 : Des tigres couverts de boue
-2006 : A Trip to Tynemouth
Le travail de Miyazaki. Miyazaki s’implique énormément en créant ses films, servant souvent de scénariste et de réalisateur à la fois.
Il vérifia personnellement tous les dessins de ses premiers films, mais maintenant, il délègue une partie de ce travail à d’autres membres du Studio Ghibli, suite à des problèmes de santé provoqués par la surcharge de travail.
Dans une entrevue en 1999, il dit que « à cet âge, je ne peux plus faire le travail que je faisais. Si mes employés peuvent me seconder et si je peux me concentrer sur la réalisation, il y a encore plusieurs films que j’aimerais faire. »
Miyazaki utilise l’animation traditionnelle (à la main, avec pinceaux, peinture et encre), quoique des effets produits sur ordinateur (peinture numérique) sont utilisés depuis Princesse Mononoké pour donner « une petite touche d’élégance ».
L’univers de Miyazaki. Dans les œuvres de Miyazaki, certaines thématiques sont omniprésentes et reviennent quasiment à chaque fois.
L’un de ces thématiques qui revient régulièrement est l’enfance. Rares sont les films de Miyazaki avec des héros non enfants/adolescents (
Porco Rosso et
Le Château de Cagliostro).
Les films de Miyazaki sont destinés à tous : ses personnages permettent à la fois l’identification du jeune public et un développement psychologique important (les héros enfants ou adolescents étant appelés à évoluer tout au long de l’histoire).
Les enfants sont caractérisés par leur naïveté liée à la découverte de leur environnement, leur spontanéité, leur enthousiasme et n’ont souvent pas encore acquis la réserve des adultes (en particulier au Japon).
Ce type d'animation permet donc une appropriation rapide pour le jeune public. Toutefois, leur rôle les met souvent dans des situations où les événements leur confèrent une forte responsabilité (d’eux-mêmes et/ou des autres) et les poussent à agir en adulte. Nausicaä par exemple ou encore Kiki sont deux exemples pour illustrer cette idée. Dans le manga et non le film,
Nausicaä de la vallée du vent, on s’aperçoit pleinement de cette transformation à travers le personnage de Nausicaä (mais aussi d’autres jeunes protagonistes). Nausicaä passe véritablement de l’adolescence au monde des adultes tout en conservant en elle une partie enfantine. Miyazaki parvient à créer des personnages véritablement complets, dans lesquels on retrouve différents caractères caractéristiques des différentes tranches de vie. Peu à peu, l’expérience et la sagesse se développe à travers les erreurs commises par les personnages.
Les héros de Miyazaki sont incroyablement humains. Nous sommes loin de certaines histoires avec des héros parfais ou intouchables, qui n’ont rien d’humains au final. Chez Miyazaki on part d’une situation initiale, on suit le/les personnage(s) à travers un chemin initiatique pour enfin arriver à une situation finale qui est loin d’être achevée pour autant (les personnages sont donc appelés à progresser encore, même si l’histoire se termine). Dans cette progression, les doutes et les erreurs ainsi que les errements sont nombreux.
Miyazaki suit le vieil adage qui dit : expérience, le nom que les Hommes donnent à leurs erreurs passées.
Un jeune public ne comprendra pas cet aspect des œuvres de Miyazaki. Cependant, je me répète, les enfants sont charmés par les jeunes personnages, ils peuvent s’identifier. Pour un public plus âgé, on peut commencer à se lancer dans de telles analyses, ainsi, l’œuvre du maître nous paraît encore plus gigantesque, on ne cesse jamais de découvrir quelque chose de nouveau et ça c’est juste extraordinaire.
Une autre thématique de Miyazaki sont les personnages féminin. En effet les femmes occupent donc une place importante dans son œuvre. On les retrouve dans tous ses films, jouant souvent un rôle majeur lorsqu’elles ne tiennent pas le rôle principal.
Elles sont à la fois fortes et vulnérables, craintives et téméraires (Nausicaä, Mononoké). Tous les âges sont représentés, allant des petites filles de
Mon voisin Totoro à l’aïeule de Nausicaä.
Ce sont des femmes qui travaillent dans les ateliers de la mystérieuse cité du
Voyage de Chihiro, et des femmes qui réparent l’hydravion dans
Porco Rosso. Ce sont également des femmes, dirigées par dame Eboshi, qui travaillent à la forge dans
Princesse Mononoké.
Une troisième thématique très importante chez Miyazaki se base sur la dénonciation des guerres, des abus des sociétés industrielles et le respect de l’environnement. On peut lier ces trois éléments ensembles car la guerre et l’industrie à grande échelle ruinent notre monde (chez Nausicaä c’est très prégnant, les 7 jours du feu mettent fin aux sociétés industrielles qui avaient souillées profondément la Terre).
Miyazaki a été profondément marqué par le second conflit mondial. Pacifiste convaincu, il l’absurdité de la guerre dans le manga Nausicaä, dans le film
Le château ambulant …
Comme beaucoup de japonais, d’artistes et d’intellectuels qui ont connu les bombardements atomiques, Miyazaki est marqué par cette arme. Les armes de destruction massive sont présentes dans Nausicaä à travers les dieux soldats qui ont la capacité d’annihilé une ville (d’ailleurs l’explosion prend la forme d’un nuage atomique), sans oublier les radiations émises par la créature et ses attaques. Dans
Le château dans le ciel, la toute puissance de Laputa rappel là aussi une force destructrice sans égale. J’en profite tant que je suis sur le traumatisme causé par les armes atomiques : la science fiction mondiale et principalement occidentale est elle aussi marquée par Hiroshima et Nagasaki ainsi que la menace d’un conflit nucléaire entre les USA et l’URSS. De nombreuses œuvres se bases sur des risques de conflits, des guerres atomiques ou des univers post-apocalyptiques. Depuis la chute de l’URSS et la quasi disparition de la menace de la guerre nucléaire, ce genre d’histoire est battue en brèche malgré un retour ces dernières année (
La route ou encore
Hunger games).
Les dieux soldats en action pendant les sept jour du feu, Nausicaä de la vallée du vent.
L’intérêt que voue Miyazaki aux engins volants lui permet là aussi de dénoncer les conflits ou encore l’idée même de conquête ou de contrôle par la force. Ainsi, dans Le château dans le ciel, les habitants de Laputa ont érigé un empire de mort grâce à leur force, mais au final, cette puissance se brise et vole en éclat, les humains ne pouvant pas vivre loin de la terre comme nous dit le film.
D’ailleurs, cela me permet de faire le lien avec la nécessité selon Miyazaki de préserver notre monde. Je ne suis pas de nature écologique et les écologistes stupides que l’on trouve par chez nous je ne les supporte pas, cependant, l’état d’esprit de Miyazaki je le respecte et l’approuve en grande partie. Comme à chaque fois (c’est très japonais), Miyazaki recherche l’équilibre et l’harmonie (je suis très sensible à cette manière de voir les choses). Le lien que Miyazaki fait entre l’humanité et son environnement est aisé à comprendre et plein de bon sens.
Miyazaki nous présente ce lien à toutes les époques :
-
Le château dans le ciel renvoie à une société qui avait coupé tous liens avec la surface qu’elle dominait par la force, au final cette civilisation disparaît d’elle-même. Dans les ruines de cette civilisation, se développe un nouvel environnement qui fonctionne en circuit fermé ;
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Princesse Mononoké nous projette dans un Japon du 15e ou 16e siècle environs. Le combat des Hommes contre la nature est omniprésent dans cette œuvre. Si les anciens dieux de la forêt sont exterminés, la nature triomphe malgré la force brute des Hommes ;
-
Nausicaä de la vallée du vent (le manga), les sociétés industrielles ont rendu la Terre quasiment invivable. Alors l’humanité s’autodétruit dans les 7 jours du feu. Cependant, ceux qui ont préparé cette fin ont inventé un moyen de purifier la Terre de la pollution à travers le Fukai. Une nouvelle humanité « temporaire » née de l’ancienne vit sur ce monde en train de se purifier. Cette humanité, celle de Nausicaä est vouée à l’extinction une fois le monde de nouveau pur, une troisième humanité a été prévue par ceux qui ont formé ce projet, une humanité qui serait débarrassée de ses instincts belliqueux. Nausicaä détruit ce projet dans le tome 7. Dans le film, le Fukai est présenté comme une réaction de la Terre face à la pollution provenant des anciennes sociétés industrielles.
Miyazaki n’est pas contre le progrès, la civilisation et la science, il s’oppose juste aux abus et à l’incapacité que l’Homme a de contrôler un progrès trop rapide et des inventions qui peuvent se retourner contre nous. Cette thématique se retrouve aisément dans d’autres histoires au Japon. L’Homme n’est pas non plus divin, malgré la force illusoire qu’il retire de ses inventions, et dans tous les cas, malgré nos savoirs et nos capacités, nous sommes dépendants du monde sur lequel nous vivons et la nature nous est supérieure en terme de force. De la sagesse et du bon sens, voilà encore une fois ce que l’on peut retirer de l’univers de Miyazaki.
L’intérêt de Miyazaki pour la protection de l’environnement vient aussi de sa nationalité et de sa culture. En tant que japonais, Miyazaki est très proche du shintoïsme notament (mais aussi du bouddhisme). Dans l’œuvre de Miyazaki, bien des choses nous restent incompréhensibles à nous autres occidentaux, mais qui sont, en revanche, très familières à un public nippon formé au shintoïsme. Cette religion originelle du Japon, fondée sur l’animisme (croyance en une force vitale qui anime les êtres) et le polythéisme, est un formidable vivier de légendes, de monstres et de merveilles, dans lequel le réalisateur a puisé tout au long de sa carrière.
Totoro créature sylvestre, n’est pas seulement cet adorable nounours géant, c’est aussi un kami (un esprit de la nature).
Et
Le Voyage de Chihiro nous emmène dans le monde du shinto ou chaque être et chaque chose est habitée par des puissances spirituelles (les fameux kami). Le titre japonais est
Sen to chihiro no kamikakushi. Le terme de Kamikakushi, qui n’a pas été traduit dans le titre français, signifie « caché par les dieux » et procède d’une croyance populaire selon laquelle les personnes disparues seraient passées dans un autre monde.
Ce qui arrive à Chihiro, entrée, au crépuscule, dans d’étranges thermes où affluent les kami. Ce rassemblement évoque une tradition d’après laquelle, chaque onzième mois du calendrier lunaire, les kami délaissent le reste du monde pour se retrouver à Izumo, célèbre sanctuaire. En outre, placer ce rendez-vous dans des thermes est tout sauf fortuit, puisque le culte des kami commence toujours par un acte de purification par l’eau.
Ce film est donc une invitation pleine et entière dans les légendes japonaises.
L’autre grande religion du Japon, le bouddhisme, n’est pas absente : dans
Totoro, un jour de pluie, Mei et Satsuki s’abritent dans un petit sanctuaire consacré à Jizo, protecteur des chemins : Jizo a eu un succès foudroyant au Japon. Dans le bouddhisme, on dit qu’il faut choisir la voie dans laquelle on va renaître, et il y a six possibilités. Jizo joue le rôle d’un guide. A l’entrée des cimetières, on trouve fréquemment six statues (une par voie) le représentant.
On pense à cette séquence où la plus jeune des fillettes fait halte auprès des fameuses six statues. Symbole d’autant plus fort que Jizo est aussi le protecteur des jeunes enfants.
Autre référence spirituelle dans
Le Voyage de Chihiro : une allusion au taoïsme, via l’ ommyodo (voie du ying et du yang). En effet, Yubaba, la sorcière des thermes, envoie sur son ennemi une armada de papiers volants : c’est une technique d’origine chinoise, développée au Japon à partir de l’Antiquité : les maîtres du ying et du yang sont censés fabriquer des êtres qui leur obéissent un peu comme des golems, à partir de n’importe quelle matière.
Dans
Princesse Mononoké, les forces magiques de la forêt sont en guerre contre un clan de forgerons, qui, avec la modernité, leur apporte la mort. Dieux sangliers, loups et cerf sont de la bataille. Ce ne sont pas des animaux innocents. A l’époque où les Japonais étaient de grands chasseurs, avant l’arrivée du bouddhisme, les gibiers les plus traqués étaient le sanglier et le cerf. Quant au loup, son nom en japonais, ookami, signifie le grand dieu. Mononoke n’est pas non plus un terme innocent : il évoque la force maléfique d’un être en proie à la rage. Cette rage des dieux, comme celle des humains face à eux, façonne des héros ambigus.
Les sylvains dans Princesse Mononoké sont aussi des esprits de la forêt.
Comme dans le shintoïsme, rien n’est manichéen dans ces films. Une des raisons pour lesquelles le cinéma de Miyazaki est un monde à part.